Voyage à Tahiti

À la différence de ton proche qui raconte ses vacances, la page web tu peux la fermer sans être malpoli…

JEUDI 25 juillet

Découverte de Tahiti.

On commence par les obligations logistiques. On laisse nos deux valises encombrantes à un dépose bagages, et on ne conserve qu’un sac à dos avec de quoi se baigner au cas ou et quelques objets utiles. Après une petite errance de touristes fatigués, on récupère un peu de monnaie à un bureau de change (les billets tahitiens sont très jolis à mon goût) et direction l’arrêt de bus. Notre location sera disponible à 15h à Arue, petite agglomération collée au nord de Papeete. On a donc pas mal d’heures avant de pouvoir se reposer. Tant mieux, pour l’instant on ne sent pas la fatigue.

Les premiers rayons de soleil dévoilent la beauté étourdissante de l’île. Difficile de rester de marbre devant les pics recouverts de forêt qui trônent au centre à la vue de tous. Dépaysement assuré !

Le bus est récent et les locaux -même si pas très souriants- sont polis, respectueux des petits touristes perdus sur leur île et très serviables. C’est limite s’ils ne se battent pas entre eux pour laisser la place aux arrivants plus âgés. On est assez satisfaits de découvrir le pays par un circuit un peu plus « authentique » que les all-inclusive et autres resorts sans âme. On est les seuls étrangers dans le bus, mais on nous le fait pas ressentir.

Arrivés assez rapidement à Papeete, la capitale de l’archipel, on entreprend de découvrir ses merveilles à pieds. Sauf qu’il est très tôt, et que ce qu’on voit le plus c’est malheureusement la réalité locale. Pas mal de sans domiciles, un centre-ville qui s’anime peu à peu mais assez délabré quand même. Le front de mer est en meilleur état évidemment, c’est là que tous les croisiéristes débarquent. Les tahitiens ont le regard fier, une morphologie assez imposante pour la plupart, et un sens presque systématique de l’hospitalité. On y reviendra.

On se perd jusqu’au port, on revient dans le centre, on découvre petit à petit. Ça nous permet de nous débarrasser de cette image d’Épinal, avec les danseurs qui nous accueilleraient partout et nous mettraient des colliers de fleurs autour du cou. Ici c’est un vrai endroit, avec un vrai peuple, une vraie vie, des vrais bonheurs et des vrais problèmes pour certains.

Passage par une boutique Vodafone parce que sur la liste des problèmes, on peut clairement mettre les réseaux mobiles qui sont apparemment cadenassés par un ou deux opérateurs (pas les notre évidemment). Notre sim prépayée en poche, on décide qu’on veut aller au sud de Papeete et pourquoi pas découvrir les plages paradisiaques qui nous tendent les bras. Nous voilà donc sur la ligne Papeete – Papara, qui nous emmène loin de la ville. Les paysages, les maisons et la végétation deviennent de plus en plus typiques à mesure qu’on avance vers le sud. Et ce lagon étincelant qui nous fait des clins d’œil à chaque ouverture dans la végétation du bord de mer.

Une vieille dame entre dans le bus avec un grand cerf-volant bleu. Pas classique comme loisir pour une grand-mère, mais on découvrira plus tard que ça se pratique pas mal sur l’île, et que les gens y prennent beaucoup de plaisir.

Le bus est désormais plein et une femme enceinte monte. Mel se lève naturellement et lui propose la place, et la dame s’assied en souriant. Je propose à mon tour à Mel d’échanger, mais elle me dit que tout va bien (elle doit aussi tenter de ménager mon dos pour lequel je me plains beaucoup quand je suis fatigué).

Là, la dame au cerf-volant nous toise tout les deux et s’adresse à moi :

– Ben alors, elle va pas rester debout quand même ? qu’elle me lance sans aucune gêne.

– Bien sûr, je viens de lui demander (à Mel donc) mais elle a refusé…

La copine de l’ancienne au cerf-volant assise à côté d’elle me regarde avec un air un peu inquisiteur mélangé à une sorte de bienveillance amusée.

– La prochaine fois, ne demande pas. Fais-le.

Vieille tahitienne burinée 1 – Driss 0

Là j’ai senti la sagesse agrémentée d’un soupçon de malice me mettre un taquet derrière la tête. Comme quoi les leçons de vie ça ne prévient pas quand ça arrive. Je balbutie une réponse inutile.

Mel accepte finalement de prendre ma place et lorsqu’un autre siège se libère, les deux tahitiennes me l’indiquent. Je me retrouve à côté d’elles et j’engage la conversation. Elles sont finalement très gentilles et souriantes, et ne me prennent pas du tout pour un crétin de touriste (bien qu’elles doivent en voir quelques tonnes si vous voulez mon avis).

Elles nous donnent des conseils précieux, et nous indiquent entre autres ce que nous cherchions : une plage magnifique pour de détendre et attendre de récupérer la location. C’est le « PK 18 » (point kilométrique 18, ces points servent à définir des lieux autour des îles comme un cadran) et elles ne nous ont pas menti. Lagon paradisiaque, pas trop de monde, très cool.

On profite bien du moment, première baignade dans l’eau du pacifique. Salée mais tellement douce quand même. Les cocotiers sont là. La petite sœur de Tahiti, Moorea, nous fait coucou juste en face. Le nuage cotonneux qui s’accroche sur ses pics montagneux la rend tellement belle et attirante. L’idée m’effleure que ce qui a poussé les Maohis (tous les ancêtres des peuples du pacifique) à braver l’océan et ses dangers pour découvrir de nouvelles terres est une évidence quand on voit cela.

Maintenant on a faim, direction le restaurant, Lani’s BBQ, également conseillé par les deux anciennes.

Cuisine très agréable, généreuse et avec le sourire. Les darnes de thazard, gros poisson très répandu, nappés de sauce barbecue nous redonnent des forces. Juste ce qu’il nous fallait. On discute avec la patronne, très hospitalière, qui nous raconte qu’elle va bientôt aller en métropole rejoindre sa fille, qui est parachutiste à Montauban. Tout ce que je lui souhaite, bon séjour et surtout bon courage pour le vol. Nul doute que les métropolitains savent être aussi accueillants que ces gens au milieu de l’océan. Mais chez eux cela semble ancré dans les gènes.

On retourne à Faa’a, l‘aéroport, pour récupérer nos valises. Dans le bus de retour vers Papeete et notre destination finale de la journée, Arue, un expatrié de métropole engage la conversation avec nous sur son ressenti ici. Il a vécu à Tahiti, mais est maintenant sur les îles Cook, qui selon ses dires sont comme Tahiti mais vingt ans en arrière, beaucoup plus sauvages et préservées. Il critique pas mal aussi la situation locale, mais à l’air d’aimer son pays d’accueil.

On finit par se rapprocher de notre airbnb à Arue. Mais le bus s’arrête environ un kilomètre avant. C’est le terminus, tout le monde descend. La conductrice qui nous voit avec nos grosses valises imposantes prend pitié de nous et sort de sa cabine pour essayer de nous aider (je vous l’ai dit, c’est un sport national ici). Il faut dire qu’on fait face à une côte bien raide qui serpente vers notre location à Erima. Elle nous dit qu’il y a une autre ligne qui monte là-haut (on finira par la trouver mais un autre jour) et que le bus va passer. Elle et une amie attendent avec nous (mais est-ce croyable ? elle a fini sa tournée et elle attend avec nous le bus pour qu’on soit pas laissés pour compte). On en profite pour discuter et on lui pose des questions sur leur vie à Tahiti. Je lui pose notamment la question qui me taraude : est-ce qu’ils sont réellement contents de l’organisation des JO 2024 à Tahiti ? Est-ce que cela leur apporte quelque chose ou plutôt des inconvénients ?

Elle m’avoue qu’ils voient plutôt cela par la négative, qu’une toute petite minorité doit en profiter mais certainement pas le peuple tahitien. Je m’y attendais.

L’autre bus ne venant pas, on les libère en disant qu’on va le tenter à pied (parce qu’elle on l’air de pas vouloir nous abandonner à notre sort) et qu’on est dans la force de l’âge bon sang !

On les remercie chaleureusement et on prend nos valises. Face à la côte assez brutale, je me dit que ça coutera rien de tenter un coup d’auto stop. Deux ou trois voitures passent et je lâche l’affaire, c’est compliqué avec les valises volumineuses. On commence à monter.

Et là un fourgon s’arrête à côté en warnings. Il nous a vu de loin qu’il nous dit. Le mec descend de son véhicule, passe sur le côté pour ouvrir sa porte latérale, et dieu m’en soit témoin, attrape nos valises !!! pour les poser lui-même dans le fourgon. Il nous porte nos valises le gars. Je n’ai jamais vu ça. Il nous installe à l’avant et nous dit en souriant qu’il sait où nous déposer.

Le kilomètre de côte est dur pour son camion, mais beaucoup moins que si s’avait été nous deux avec nos petits pieds…

Il nous dépose juste devant l’appartement loué, redescend (si si) et reprend lui-même les valises pour nous les donner. Rappelez-moi de faire quelques bonnes actions parce-que lui il doit avoir quelques milliers de points de karma en stock. On lui souhaite le meilleur et il repart comme si de rien n’était.

Ça y est, on est finalement arrivés. Une journée dantesque, plein de rencontres, on est l’ombre de nous-même. On se pose et constate que la location est pas mal du tout. Et le matelas est ultra top, il nous appelle vers lui. Non, il nous ordonne avec une cravache de ramper vers lui comme les vermisseaux que nous sommes. Il est 15h30 heure locale, et on a fait près de 44 heures sans vraiment dormir (somnoler un quart d’heure par ci par là à 12 km d’altitude entre deux turbulences ça ne compte pas pour moi).

Refermez le couvercle de mon cercueil merci, je dois dormir jusqu’à l’année prochaine. En fait ce sera juste 12 heures, mais c’est déjà pas mal.